Garreg Mach était un endroit important pour moi. C’était ma nouvelle maison depuis peu, et mine de rien, je m’y sentais bien. Ce n’était pas pareil que la maison… Mais ce n’était pas moins bien ! Juste différent. Quoi que, il n’y avait pas Judith ni grand-mère et par moments, ça me rendait bien triste. Vous savez, le manque, c’est vicieux. Ce n’est pas là tout le temps. Vous arrivez à vivre la plupart du temps, à profiter pleinement de votre présent, et puis il suffit d’un temps tout seul pour que la vague qu’est le manque vous envahisse. Et là, vous n’avez que vos larmes pour vous réconforter, au fond de votre lit.

Je tâchai de chasser ces mauvaises pensées de ma tête pour me concentrer sur l’ambiance du réfectoire et le risotto dans mon assiette. J’étais heureuse que ce plat soit servi en même temps que la visite de Judith. C’était comme un bonus pour moi ! Il fallait que je me rappelle que ma grande sœur était là et que c’était tout ce qui comptait pour l’instant. Nous parlâmes et elle me donna des nouvelles de la maison. Cela me fit plaisir d’entendre que grand-mère se débrouillait bien seule pour gérer ; ça voulait dire qu’elle n’avait pas tant changé que ça depuis que j’étais partie pour Garreg Mach et c’était plutôt rassurant.

Judith prit bizarrement une grosse bouchée de risotto avant d’avoir fini sa phrase qui concernait la personne à qui elle avait rendu visite à Fhirdiad. Il ne fallait pas être très intelligent pour savoir que c’était Gabriel, mon grand frère de cœur à mes yeux. Ma pensée fut confirmée par l’expression faciale de Judith toute rosée.

« Gaby ? C’est Gaby que tu es allée voir ? Il va comment ? Ca s’est passé comment, surtout ? Vous vous êtes fait des câlins ? »

C’était ma manière à moi de demander s’ils étaient à nouveau un couple. J’aimais l’idée que dans un couple, on se fasse des câlins, comme j’en faisais à ma famille, mais en plus intime, et avec une impression de bonus. Faire des câlins à sa famille, c’était normal. Faire des câlins à quelqu’un d’extérieur, c’était une chance. Que j’espérais avoir un jour. Mais pour l’instant, j’aimais surtout me concentrer sur les affaires de ma grande sœur ! Je ris lorsque Judith me dit que le risotto était bon. Evidemment qu’il l’était ! C’était mon plat préféré pour une raison – c’était quasiment le seul bon plat de l’académie !

« Et toi ? Comment ça se passe ici ? Tu t'es décidé sur la classe que tu voulais obtenir ? »

Le risotto est délicieux mais je suis plus concentrée sur Judith qu’autre chose. Ma grande sœur a toujours été un objet d’admiration pour moi, même de fascination parfois, et là, c’était un peu le cas. J’avais pendant un bon moment été simplement heureuse qu’elle me rende visite, mais je commençais à me douter qu’une simple visite n’était pas le motif entier de sa venue au monastère. Non, telle que je connaissais ma sœur, il fallait qu’elle m’entretienne de quelque chose d’important. Pour l’heure, je lui dis simplement que mon projet était de devenir comme elle un jour, un chevalier pégase ! Pour être honnête, je n’avais pas mis longtemps avant de faire mon choix. La figure de Judith m’avait beaucoup trop influencée tout au long de ma vie pour que je ne me fasse pas influencer sur ce plan-là. A mon grand bonheur, elle sourit quand je lui exposai mon plan et imagina encore plus la scène.

Moi et Judith, elle m’apprenant l’art d’être un chevalier pégase, m’aidant d’autant plus à en choisir un. Parce que oui, l’avis de ma grande sœur était très important. Par exemple, je ne pourrais jamais m’approprier un pégase que Judith n’approuverait pas. Ça pèserait trop lourd sur ma conscience. Je faisais bien trop confiance à ma sœur pour défier son avis, et surtout sur les pégases. S’il y avait bien quelqu’un qui savait ce qui était le mieux pour moi, c’était elle. L’idée de faire des courses avec elle dans les cieux me ravit. On aurait presque pu apercevoir des étoiles dans mes yeux tellement je rêvais de ce futur parfait !

Enfin, vint le fameux moment où elle m’avoua qu’elle était bien venue me parler de quelque chose d’important. A tel point que nous avions besoin d’être seules… De quoi pouvait-il bien s’agir ? Pour le coup, ça m’inquiétait vraiment, et l’effet du clin d’œil que m’avait adressé Judith un peu plus tôt s’estompa vite. Un endroit pour parler seules… Ma chambre serait le meilleur endroit. Je n’allais pas avoir cours cet après-midi, nous pourrions êtres tranquilles, et puis en plus je pourrais lui montrer que je prends bien soin de mes quartiers !

« Je le savais… Oui, on va aller dans ma chambre, ce sera le mieux ! »

Sur ces mots, je finis vite mon risotto si délicieux et me levai rapidement du banc sur lequel je m’étais confortablement assise précédemment. Je constatai que j’étais toute tendue ; décidément, Judith avait jeté un petit froid dans mon esprit, qu’elle le veuille ou non, qu’elle affiche un visage rassurant ou pas. Je lui adressai tout de même un petit sourire se voulant compréhensif en avance et la conduis en dehors du réfectoire en direction de ma chambre. Le trajet ne fut pas bien long mais je ne dis rien pendant celui-ci. Mon cœur battait déjà un peu plus fort et je n’avais qu’une hâte ; qu’elle se confie à moi.

Une fois arrivées dans ma chambre, je fermai la porte derrière nous et m’efforçai de commencer par une remarque positive en offrant mon plus beau sourire à Judith.

« Tu as vu comme ma chambre est propre ? »

Je ris un peu mais redevins vite assez sérieuse en m’asseyant sur le lit. Il était temps qu’elle me parle, qu’elle vide son sac.

« Allez, grande sœur, dis-moi donc ce qui te tracasse tant ! » l’interrogeai-je avec un petit sourire, voulant me positionner en tant que soutien plus qu’autre chose.